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  • De l’usage de la sigillographie en Histoire médiévale

    Arnaud BAUDIN, 10 février 2015 | 6 septembre 2013

    Arnaud BAUDIN

    Chargé d’études documentaires aux Archives départementales de l’Aube


    La sigillographie est classée parmi les sciences auxiliaires de l’Histoire. D’abord discipline de diplomatistes et d’archivistes, ses fondements scientifiques sont relativement récents et font écho à l’intérêt qu’elle trouve dans le milieu universitaire depuis le début des années 1980.
    Les bases de l’étude des sceaux, et des sceaux du Moyen Âge notamment, conservés en plus grand nombre et longtemps jugés plus intéressants, remontent au XVIIe siècle. Pour se limiter à la France, on découvre les prémices de cette discipline dans les dessins de la collection de Gaignières dans une approche « archéologique » reproduisant les monuments les plus remarquables du royaume. Si les premiers jalons sont posés en parallèle par Dom Mabillon avec l’étude et l’examen critique des chartes médiévales, l’intérêt pour les sceaux ne prend véritablement son essor qu’au XIXe siècle lorsque les archivistes engagent les recensements destinés à inventorier les empreintes conservées dans les collections publiques françaises. Après les trois premières campagnes de moulage de sceaux des Archives du Royaume, initiées par Natalis de Wailly entre 1832 et 1834, c’est finalement à Louis Douët d’Arcq qu’il revient de poursuivre l’inventaire des sceaux des Archives de l’Empire, publié entre 1863 et 1868. La méthode, destinée à documenter le meilleur état de conservation des empreintes et à faciliter leur étude, s’étend aux fonds de la Bibliothèque nationale et à ceux des archives et des bibliothèques de plusieurs régions françaises depuis les années 1870 jusqu’aux années 1930 (Artois, Berry, Bourgogne, Champagne, Flandre, Normandie, Picardie, Poitou).
    Ces inventaires se doublent, dans le même temps, de la publication des premiers traités de sigillographie, la plupart du temps écrits par ceux-là mêmes qui conduisent les enquêtes. Ces travaux sont longtemps demeurés des ouvrages de référence en dépit des aspects souvent peu scientifiques et difficilement utilisables des outils proposés, la classification sociologique des sigillants et la classification typologique des sceaux notamment.
    Cet intérêt nouveau, qui se limite d’ailleurs aux seuls aspects iconographiques du sceau, s’accompagne, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, d’un goût pour l’objet sigillaire au sein d’une élite érudite, qui se concrétise alors par l’essor de collections privées de matrices et d’empreintes de sceaux. Cet effet de mode pour la sigillographie – on lui préférait souvent le terme de sphragistique, son équivalent construit sur une racine grecque – contribua au mépris dont cette discipline fait encore parfois l’objet auprès de certains historiens et historiens de l’art. Surtout, il fit fleurir quantité de fausses matrices, créées de toute part ou copiées d’une empreinte de sceau existante, et favorisa la constitution de ces collections d’empreintes de sceaux, détachées de leur acte d’origine, comme il en existe aujourd’hui dans bon nombre de services d’archives et de musées.
    En dépit de l’impulsion donnée par les sociétés savantes – la Société française d’héraldique et de sigillographie voit le jour en 1937 – et des travaux fondamentaux jalonnant la carrière de Robert-Henri Bautier, la sigillographie est longtemps demeurée à l’écart de l’enseignement supérieur et des préoccupations de nombre d’historiens. Cet état d’esprit tend heureusement à disparaître depuis que les études de Michel Pastoureau et les efforts de Michel Parisse en faveur des sources du Moyen Âge en ont favorisé l’ouverture au monde universitaire, comme en témoigne le nombre de travaux publiés au cours de ces trente dernières années, ceux de Jean-Luc Chassel ayant incontestablement renouvelé la connaissance de l’histoire du sceau et tracé les contours d’une nouvelle approche. Un autre élément catalyseur a été la réappropriation de la sigillographie par le monde des archives un siècle après les premières campagnes d’inventaire, phénomène qui s’est focalisé autour de la publication par les Archives nationales d’un Corpus des sceaux français du Moyen Âge et la normalisation tardive d’un vocabulaire par le Comité international de sigillographie.
    Les effets de ce décloisonnement se font sentir de manière accrue depuis le début des années 2000, en France comme en Europe.
    Par l’intermédiaire de colloques et de journées d’études, tout d’abord, souvent accompagnés d’expositions (Sceaux et usages de sceaux. Images de la Champagne médiévale, en 2003-2005 à l’instigation des Archives départementales de l’Aube, de la Marne et de la Haute-Marne ; Good Impressions. Image and authority in Medieval Seals, en 2007 au British Museum ; Empreintes et matrices. Les sceaux du patrimoine historique et artistique du Nord, XIIe-XVIIIe siècle, en 2008-2009 au Palais des Beaux-Arts de Lille) et témoignant des problématiques actuelles : traités privilégiant une approche globale, études croisées s’intéressant au développement de l’usage du sceau au sein des différentes catégories de la société médiévale ou bien considérant des aspects particuliers, symboliques, juridiques, héraldiques, artistiques, archéologiques, diplomatiques, en faisant de plus en plus régulièrement appel aux sciences dures pour mieux appréhender les techniques de chancellerie (3D et tomographie pour déceler un scellement frauduleux ; mesures spectrométriques permettant d’analyser la composition et la pigmentation des empreintes ; analyses au carbone 14 et bientôt ADN dans les cas de traces de cheveux et de poils dans la cire).
    Par un nombre limité mais croissant de mémoires universitaires en sigillographie ensuite. Si l’on peut regretter que les futurs archivistes-paléographes ne soient pas plus nombreux à lui consacrer leurs travaux de fin d’études, les thèses récemment soutenues en France – 5 entre 2006 et 2011 –prouvent que l’image sigillaire peut faire l’objet d’un sujet de recherche doctorale à part entière, dans un cadre sociologique (sceaux du clergé saxon), régional (sceaux du Laonnois et du Soissonnais, sceaux de la dynastie champenoise et de son administration), iconographique (les monstres dans les sceaux du Nord de la France) ou architectural (représentations architecturales sur les sceaux de ville de l’Europe du Nord).
    Par un retour, enfin, depuis quelques années, de grands projets d’inventaires, fidèles aux normes archivistiques internationales – ISAD(G), DTD-EAD –, adaptés aux préoccupations de la conservation préventive et offrant tout le confort de la mise en ligne sur Internet et d’une recherche par mots-clés déconstruisant les classifications imaginées au XIXe siècle. Citons, à titre d’exemple, les initiatives du Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale de France (inventaire des matrices à paraître en 2014), des Archives départementales de l’Aube, de l’Orne et de l’Yonne et, à l’étranger, des Archives générales du Royaume, à Bruxelles, ou celle ambitieuse de l’Université de Coïmbra, à l’initiative de Maria do Rosarió Barbosa Morujao.
    Le principal intérêt de ces inventaires en ligne, outre la mise à disposition de la recherche de quantités importantes de sources souvent inédites, est de montrer la formidable richesse de la documentation sigillaire et les terrains restant à explorer [1]. En usage dans toutes les couches de la société et dans tout l’Occident médiéval, le sceau, daté avec précision grâce au document auquel il est attaché, réunit autour de lui historiens de l’art, du droit, du vêtement et des mentalités, archéologues, diplomatistes, héraldistes, archivistes ou restaurateurs à qui il apporte les informations les plus riches et les plus fiables.


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  • Bibliographie

    Arnaud BAUDIN, 6 septembre 2013

    De l’usage de la sigillographie

    - BAUDIN Arnaud, Emblématique et pouvoir en Champagne. Les sceaux des comtes de Champagne et de leur entourage (fin XIe-début XIVe siècle), Langres, Éd. Dominique Guéniot, 2012.
    - BEDOS-REZAK Brigitte-Miriam, When Ego Was Imago. Signs of Identity in the Middle Ages, Leiden-Boston, Brill, 2011
    - CHASSEL Jean-Luc, « L’essor du sceau au XIe siècle », dans Pratiques de l’écrit documentaire au XIe siècle, Olivier GUYOJEANNIN, Laurent MORELLE et Michel PARISSE éd.,Bibliothèque de l’École des chartes, t. 155, 1997, p. 221-234.
    - PASTOUREAU Michel, Les sceaux, Turnhout, Brépols, coll. Typologie des sources du Moyen Âge occidental, fasc. 36, 1981.
    - Pourquoi les sceaux ? La sigillographie, nouvel enjeu de l’histoire de l’art. Actes du colloque de Lille (Palais des Beaux-Arts, 23-25 octobre 2008), Jean-Luc CHASSEL et Marc GIL dir.,Lille, Institut de Recherches Historiques du Septentrion/Université Charles De Gaulle – Lille 3, 2011.
    - Vocabulaire international de la sigillographie, Robert-Henri BAUTIER dir.,Rome, Comité international de sigillographie, 1990.


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  • Notes et adresses des liens référencés

    [1Les sites faisant état des travaux ou projets sont recensés dans la rubrique Sigillographie

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