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... en Angleterre

  • Christopher FLETCHER, 25 janvier 2013

    Christopher FLETCHER

    (Chargé de recherche - projet ERC : « Signs and States » ; chercheur associé au LAMOP - Université Paris 1)


    L’enseignement de l’histoire médiévale en Angleterre [1] se rythme d’abord par les structures définies au niveau central par le National Curriculum(jusqu’à l’âge de 14 ans) ; ensuite, par les programmes des examens nationaux (les GCSEs à 16 ans et les A-levels, entre 16 et 18 ans) ; et enfin par les universités, qui jouissent d’un très large degré d’indépendance, bien qu’elles aient finalement des approches assez semblables. L’enseignement de l’histoire médiévale est bien assuré jusqu’à l’âge de 12 ans, mais négligé dans le parcours de la plupart des étudiants qui continuent d’étudier l’histoire jusqu’à 16 ans, voire 18 ans. Toutefois, à partir de l’université, l’histoire médiévale revient en force pour enrichir la formation des étudiants en histoire, à qui leur formation généraliste permet de trouver une place sur le marché du travail, tout en renforçant leur culture médiévale.
    Le National Curriculum divise l’enseignement en plusieurs « étapes clés » (Key Stages). Dès Key Stage 2 (de 7 ans à 11 ans) ce programme national précise des sujets spécifiques devant être enseignés en histoire. Le Moyen Âge y est bien représenté. Un des trois sujets spécifiés s’intitule « Les romains, les anglo-saxons et les vikings », jusqu’à la Conquête Normande. Ensuite, dans Key Stage 3 (11 ans à 14 ans), une des trois questions obligatoires est celle de l’« Angleterre Médiévale ». Normalement, on enseigne cette question en première année de secondaire. On étudie la Conquête Normande, les châteaux, la vie quotidienne au Moyen Âge, l’église médiévale, et d’autres sujets plus pointus : Thomas Becket, la Grande Charte (1215), la Révolte des Travailleurs (1381) et la Guerre des Deux Roses. Il y a également une option sur l’essor de l’Islam.
    En revanche, entre 14 ans et 16 ans, l’histoire médiévale disparaît des programmes. Au niveau des GCSEs, premier grand ensemble d’examens passé à 16 ans, l’écrasante majorité des candidats en histoire étudient l’histoire politique du XXe siècle, surtout la période 1914-1941. Les élèves entament ensuite, la préparation des A-levels. En principe, si on regarde les programmes offerts par plusieurs Exam Boards (les jurys d’examen chargés d’organiser les examens et corriger les copies) on constate qu’il est à nouveau possible d’étudier l’histoire médiévale. L’un d’entre eux offre par exemple une option médiévale à chacune des trois étapes obligatoires : les croisades ; la Conquête Normande ; et les rois angevins de l’Angleterre. Mais en réalité la plupart des étudiants n’ont pas la possibilité de choisir ces options. En effet, la grande majorité des professeurs enseignent à ce niveau l’histoire politique de l’Europe au XIXe siècle. Les étudiants n’en sont pas toujours contents. Lorsqu’ils ont la possibilité de prendre une option concernant l’histoire ancienne, médiévale, ou bien encore celle des XVIe ou XVIIe siècles, ils en sont ravis. Mais ce n’est que grâce à un professeur enthousiaste et aventureux, soutenu par des supérieurs hiérarchiques, qu’ils le peuvent.
    Par conséquent, la majorité des étudiants qui viennent étudier l’histoire à l’université n’ont pas été exposés à l’époque médiévale dans le système scolaire depuis l’âge de 12 ans. Les enseignants-chercheurs en sont très conscients ; ils ne peuvent pas se permettre d’imaginer que leurs nouveaux étudiants ont déjà des connaissances sur cette période. Par conséquent, même s’il existe de larges différences dans les méthodes d’enseignement selon les universités (qui décident de leurs propres enseignements), presque toutes les institutions proposent un niveau très général d’apprentissage en première année. Pour les options médiévales comme pour les autres, les cours proposés à ce niveau ont souvent un spectre chronologique large : l’Europe médiévale, entre 400 et 1000, par exemple. Certaines institutions commencent déjà en première année des cours plus spécialisés sur des sujets que les étudiants peuvent connaître dans leurs grandes lignes (la Guerre de Cent Ans ; la Peste ; les Vikings...). Une telle spécialisation est toutefois plus commune à partir de la deuxième année. À ce niveau, les enseignants-chercheurs commencent à proposer des matières plus concentrées thématiquement, et parfois chronologiquement, qui puisent dans les recherches des enseignants-chercheurs eux-mêmes. Finalement, en troisième année, on atteint un très grand niveau de spécialisation. Les étudiants choisissent un « Sujet Spécial » basé sur l’étude d’un grand ensemble documentaire, autour d’une question historique assez restreinte, proposé par un enseignant-chercheur spécialiste de ce sujet. En même temps, dans la plupart des universités, on demande aux étudiants un mémoire, sur une question qu’ils choisissent en concertation avec leurs enseignants. Par conséquent, en troisième année de licence, un étudiant d’histoire, s’il veut se consacrer la période médiévale et si son université le permet, peut très bien faire de l’histoire médiévale et rien d’autre, et ce à un très grand niveau de spécialisation.
    Chaque système éducatif ne constitue qu’un élément d’un système social, culturel et économique. Muni d’une licence d’histoire, un étudiant d’histoire d’une université anglaise peut aller directement sur le marché de travail, qui respecte les compétences qu’il a acquises en suivant une formation comme généraliste : l’expression écrite et orale, la capacité à rédiger un argument clair à partir de sources diverses, l’organisation de son propre travail, l’esprit critique. La plus grande partie des étudiants en histoire quittent l’université à cette étape pour débuter des carrières professionnelles, soit par le biais de formations au sein d’une entreprise, d’une association ou dans la fonction publique, soit en poursuivant une des carrières classiquement associées à un parcours d’historien (avocat, journaliste, édition..) ; soit en s’inscrivant dans un enseignement de professeur ou d’instituteur. Certains étudiants souhaitent aller plus loin et suivent un Master en « Études médiévales ». D’autres reviennent plus tard dans leur parcours, pour suivre un Master en formation continue. Plus rares sont ceux qui entreprennent une thèse : l’esprit généraliste de la société et de l’économie britannique est moins respectueux de cette spécialisation jugée trop pointue ; faire une thèse ne facilite pas la recherche de travail, elle la rend plus difficile. Pourtant, avec un système de bourses géré par des conseils de recherche exigeants, qui insistent pour que le travail de thèse soit achevé dans un délai strict, même les doctorants en histoire médiévale finissent généralement leur travaux doctoraux bien avant l’âge de trente ans, voire peu après 25 ans ; ils ont alors le temps de trouver un autre chemin, enrichi par leur formation de médiéviste.


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    [1Le système en Écosse est différent. Au pays de Galles et en Irlande du nord, en revanche, il ressemble à celui l’Angleterre, malgré quelques spécificités.

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